Financial spotlight – Mai 2022

Spotlight
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CONTEXTE MACRO-ECONOMIQUE : Remonter le temps

Les populistes cultivent la nostalgie. Il s’agit de retourner vers un temps où nous avions le contrôle (« take back control » ont clamé les partisans du Brexit) et où le pays était puissant (« Make America great again » a promis Donal Trump). C’est évidemment une illusion, car il est tout simplement impossible de remonter le temps. « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », a dit Héraclite. Pourtant, l’illusion est cultivée car elle plait à ceux qui à la fois n’aiment pas le monde tel qu’il est et ont peur de celui qui advient.

Si l’histoire ne se répète jamais, y compris pour ceux qui l’oublient, elle peut nous donner des repères qui, s’il convient de les considérer de manière critiques, alimentent la réflexion. C’est le cas aujourd’hui, à l’heure où il est question que nous pourrions revivre la stagflation des années 70.

D’un point de vue théorique, la stagflation, mot-valise fusionnant « stagnation » et « inflation », est une anomalie. Lorsque la croissance économique est médiocre, le chômage monte et le pouvoir d’achat des consommateurs est en berne, de telle sorte que les deux sources classiques de l’inflation, l’inflation par les coûts – notamment salariaux – et l’inflation par la demande sont modérées. La situation supposée normale est que, quand le chômage est élevé et/ou en hausse, les salaires ne progresseront guère et donc les prix non plus. Les économistes parlent à ce propos de la « courbe de Phillips ».

En étant détonante par rapport à ce raisonnement, la situation des années 70 a frappé les esprits. L’explication commune en est que l’économie a alors connu un choc d’offre, sous la forme des deux crises pétrolières, de 1973-1974 et 1979-1980, provoquant à la fois une poussée d’inflation et un ralentissement économique induisant une montée du chômage. Les deux maux, a priori antinomiques, ont alors été observés de manière simultanée.

Sommes-nous sur le point de revivre une telle anomalie ? Il y a deux points de similitude entre le contexte actuel et celui d’il y a un demi-siècle. Le premier est celui d’un contexte de politique économique accommodante. Les années 60 ont vu les Etats-Unis passer à une politique budgétaire expansionniste, avec des accents à la fois sociaux et militaires, sur fond de guerre du Vietnam. Le second est évidemment la forte progression des prix de l’énergie. Toutefois, il y a aussi des différences. La plus grande est l’état du marché du travail. Alors que les années 70 ont vu le chômage progresser, nous connaissons aujourd’hui surtout des problèmes de pénuries de main-d’oeuvre. Dans ce contexte, et vu leur épargne conséquente, héritage des années Covid, on peut s’attendre à ce que les consommateurs consomment.

La comparaison avec les années 70 risque également de faire l’impasse sur les changements structurels de l’économie ces dernières décennies. Ainsi, les mécanismes d’indexation automatique des salaires étaient nettement plus répandus, ne subsistant à ce jour que dans une minorité de pays dont la Belgique et le Luxembourg. De même, le poids de l’énergie dans le PIB, était alors le double de ce qu’il est maintenant. Il y a aussi que l’économie mondiale est nettement plus globalisée en 2022.

Qu’il s’agisse du confinement en Chine, de la guerre en Ukraine ou des sanctions imposées à la Russie et des contre-sanctions décidées par cette dernière, la sagesse dicte à l’économiste de dire qu’il ne sait pas ce qui va advenir. Cette prudence rappelée, le scénario dominant, encore récemment actualisé par l’OCDE, puis par le FMI, n’est pas celui d’une stagnation mais d’un accommodement collectif tant avec la pandémie qu’avec l’invasion russe ou l’interventionnisme monétaire, de telle sorte que la consommation privée, investissement et emploi résisteront.

Incarnée par Paul Volcker, son gouverneur, la Banque centrale américaine avait provoqué une récession pour tuer l’inflation. Aujourd’hui, sur fond de malaise social et d’urgence environnementale, les banques centrales, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, ne chercheront pas à répéter cet « exploit ». Certes, les taux d’intérêt sont orientés à la hausse, mais une hausse qui, si elle est violente en apparence, est somme toute modérée en regard du relèvement de l’inflation.

Pour les marchés financiers, ce qui compte, plus encore que la conjoncture, ce sont les perspectives de moyen terme. Et ici, l’annonce d’une répétition des années 70 qu’induit l’usage du mot « stagflation », fait indûment peur. Même si elle est socialement cruelle et exige donc des mesures compensatoires, la cherté de l’énergie fossile est foncièrement salutaire pour la planète et ses habitants, et l’inflation, en général, a des vertus, notamment celle de dynamiser le tissu économique, tant du côté des entreprises que des salaires. L’analyse tant économique que financière ne doit pas être biaisée par des réminiscences.

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Etienne de Callataÿ – etienne.decallatay@orcadia.eu
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