Financial spotlight – Avril 2022

Spotlight
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CONTEXTE MACRO-ECONOMIQUE : Crime et châtiment

Dans une lettre à son éditeur, Mikhaïl Katkov, Dostoïevski annonce le « pitch » de ce qui deviendra un de ses chefs-d’oeuvre, « Crime et châtiment », présenté comme le compte rendu psychologique d’un crime. Il écrit ceci : « L’action est actuelle, de cette année même. Un jeune homme, exclu de l’Université, de modeste origine et vivant dans une extrême pauvreté, par légèreté, par manque de fermeté dans les principes et sous l’influence de ces « idées mal digérées », bizarres qui sont dans l’air, a résolu de sortir d’un coup de sa triste situation. Il a décidé de tuer une vieille femme, veuve d’un conseiller titulaire, faisant métier d’usurière. La vieille est bête, sourde, malade, avide, elle pratique des taux de juifs, elle est mauvaise et dévore son prochain, tourmente et exploite sa propre soeur cadette. « Elle ne sert à rien », « pourquoi vit-elle ? », « est-elle utile à quiconque ? », etc. Ces questions font perdre la raison au jeune homme. Il décide de la tuer, de la dévaliser».

Il ne saurait être question de dire que la littérature a devancé l’histoire en voyant Vladimir Poutine marchant dans les pas du jeune homme et l’Ukraine dans la peau de la vielle dame, mais cela met l’accent sur les ressorts psychologiques du Président russe. Ne sachant cerner ses motivations, nous sommes bien en peine d’anticiper ce qui va advenir, même si nous savons que la diplomatie devra in fine reprendre le dessus, avec son lot de choix qu’un camp au moins percevra comme des concessions.

Un conflit qui va durer

L’idée d’une prise de contrôle rapide du pays et de l’élimination presque sans coup férir des autorités ukrainiennes, si elle était de mise à Moscou, semble s’être évanouie, et cela non pas du fait de l’engagement des amis de Kiev mais de la résistance ukrainienne et de la faiblesse de l’armée russe. En même temps, un cessez-le-feu qui gèlerait les positions territoriales actuelles est peu vraisemblable, les acquis par rapport à la situation d’avant le 24 février, quand Moscou contrôlait déjà le Donbass et la Crimée, apparaissant comme trop minces pour que Poutine puisse légitimer l’invasion qu’il a décidée. Il faut donc s’attendre à ce que la guerre d’invasion perdure. Et quand bien même un arrêt des hostilités interviendrait, il est difficile de concevoir que les flux énergétiques, mais aussi alimentaires et d’autres matières premières se normaliseraient.

L’inflation mine la confiance

Ce qui inquiète les entrepreneurs comme les consommateurs semble ne pas tant être de possibles velléités expansionnistes de Poutine au-delà de l’Ukraine ou le recours à des armes de destruction massive, que la hausse des prix et les perturbations des chaînes d’approvisionnement. Ces problèmes d’offre viennent ébranler la confiance envers ce qui devait être un moteur de la croissance, à savoir le dynamisme de la consommation des ménages. Celui-ci était porté par :

– l’accroissement de l’épargne privée par rapport à la situation d’avant la pandémie ;
– les plus-values financières engrangées, tant mobilières qu’immobilières ;
– la pénalisation de l’épargne prudente au travers d’une inflation largement supérieure au taux d’intérêt
– la faiblesse du taux de chômage, comprimant les craintes de chômage et donc la nécessité de garder une poire pour la soif.

Aujourd’hui, l’inflation vient changer la donne, en ce compris dans les pays qui pratiquent l’indexation automatique des salaires. En effet, la hausse des salaires, même si elle est significative, et c’est le cas aux Etats-Unis, ne suit pas la hausse des prix, ce qui réduit le pouvoir d’achat. En outre, l’inflation a induit une augmentation des taux d’intérêt, ce qui, amplifié par l’invasion russe, a pesé sur les performances financières ; il en résulte un effet richesse négatif.

Pas de stagflation

L’OCDE a publié récemment une estimation de l’incidence de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Il en résulterait, au niveau mondial, une amputation du PIB de l’ordre de 1 point de pourcentage et une accélération de l’inflation de 2,5 points de pourcentage. Pour la seule zone euro, les variations seraient de -1,4 point pour l’activité et +2 points pour l’inflation.

La BCE a également actualisé ses prévisions. Elle table, pour l’Union monétaire, sur une croissance qui atteindrait quand même 3,7% en 2022, et 2,8% en 2023. En cas de scénario dit « sévère », la croissance ne serait plus de 2,3%, tant en 2022 qu’en 2023. Pour ce qui est de la variation des prix, la Banque centrale s’attend à 5,1% d’inflation en 2022 et à 2,1% en 2023 dans son scénario central. Au scénario « sévère » correspond une inflation de 7,1% en 2022.

De ceci, il ressort que l’inflation sera bien plus marquée, et plus longtemps, que ce qui avait été initialement escompté par les autorités et par les marchés, et cela s’est, bien entendu, traduit dans une belle performance des obligations indexées sur l’inflation dans les portefeuilles. En revanche, et les indicateurs avancés de la conjoncture vont dans le même sens, il n’y a pas lieu, à ce stade, de considérer comme « central » un scénario de stagnation, en dépit de l’invasion russe, de taux d’intérêt nominaux plus élevés ou des mauvaises nouvelles sanitaires en provenance de Chine. Même si certaines d’entre elles seront directement affectées par les mesures de rétorsion prises à l’encontre de la Russie, les bénéfices des entreprises n’apparaissent pas comme devant être, dans la durée, revus significativement à la baisse du fait des tensions géopolitiques entre superpuissances.

Sans que ce ne soit en rien une négation des atrocités commises en Ukraine par l’envahisseur, les marchés ont raison de garder la tête froide face à la guerre froide.

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Etienne de Callataÿ – etienne.decallatay@orcadia.eu
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