Financial spotlight – Février 2021

Spotlight
Publié le
CONTEXTE MACRO-ECONOMIQUE : Covid et Europe, des effets en sens opposés

Tout en lui infligeant la plus forte récession économique depuis la Guerre, la Covid-19 aura simultanément cimenté l’Europe de la zone euro, du moins à en croire les marchés financiers. En effet, l’écart de taux d’intérêt – ou « spread » – entre l’Allemagne et les pays « faibles » de l’Union monétaire, Grèce en tête, a fondu. Cela signifie que les prêteurs ne craignent plus une implosion de l’euro, une crainte encore extrêmement vive il y a encore moins de dix ans, se sont évanouies. Aujourd’hui, le taux d’intérêt auquel l’Etat hellénique se finance est inférieur à celui dont doivent s’acquitter les Etats-Unis, alors que les obligations à long terme de l’Oncle Sam sont usuellement considérées comme un actif refuge.

Mais est-on si sûr que la Covid-19 a fortifié la construction européenne ? Si, en règle générale, répondre de manière nuancée à une question se fait au prix d’une perte de clarté de la réponse, ici, il y a de quoi être très nuancé … et donc de quoi devoir ne pas être clair ! Il est en effet parfaitement possible d’avancer que la Covid-19 a renforcé l’Europe, comme les marchés nous indiquent le croire, et il est tout aussi possible de poser qu’elle en fragilise les fondements.

L’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce ont eu davantage à souffrir de la Covid que le nord de l’Europe pour différentes raisons :

₋ Les pays n’ont pas été égaux face à la pandémie, en particulier lors de la première vague, avec un Sud de l’Europe touché plus violemment ; ainsi, reviennent en mémoire les journaux télévisés décrivant l’enfer à Bergame ;

₋ Les pays du Sud de l’Europe ont eu à en souffrir plus du fait d’un moins bon état de forme au moment du choc. L’image qui vient à l’esprit est celle d’une maladie qui fait plus de dégâts chez un individu affaibli que chez une personne en pleine santé, au meilleur système immunitaire. Ici, avec des niveaux de dette publique plus élevés, les pays du Sud ont, ceteris paribus, moins été à même de soutenir leur économie ;

₋ Le Covid-19 n’a pas touché tous les secteurs de la même manière, et la chute de l’activité touristique a été bien plus ressentie dans les pays du soleil.

Comment l’Europe serait-elle renforcée du fait de la Covid ? La réponse est largement politique. Trois niveaux peuvent être distingués :

₋ L’Union européenne (l’Europe des 27) a vu son budget fortement augmenter, et prendre une tournure plus solidaire, avec davantage de mutualisation, s’éloignant ainsi des exigences nationales de type « I want my money back » de M. Thatcher. Ce budget sera en effet réparti entre pays en fonction d’une clef qui n’est pas celle de leur contribution au budget. De plus, en vue s’assurer le financement dans la durée de ce budget, la Commission a pu avancer l’idée d’impôts européens. Il est question d’élargir le régime des permis de polluer (ETS) au
transport aéronautique et maritime, d’introduire une taxe environnementale sur les importations (« border tax adjustment ») et d’adopter une taxe les multinationales.

₋ Au niveau de l’Union monétaire, il ne doit plus y avoir autant de partisans qu’avant, en Grèce ou en Italie, pour quitter la zone euro ; les bénéfices d’appartenir à celle-ci sont devenus plus évidents dans la profonde récession de 2020 ;

₋ Au niveau de la Banque centrale européenne, la Covid l’a amenée à faire ce qu’elle avait dit qu’elle ferait, ne reculant pas devant les caractères d’inédit et d’hétérodoxe que la crise a rendus nécessaires ; ce faisant, ayant eu l’audace de joindre les actes à la parole, elle a gagné en crédibilité. De plus, le verrou du plafond de ce qu’elle peut détenir en termes de pourcentage d’une émission souveraine donnée, a sauté ; certes, à ce stade, cette libération est très partielle mais, quand le pied est dans la porte, le reste a tendance à suivre.

A ce stade, il importe de mettre en exergue un trait distinctif de la crise de la Covid par rapport à celle de la dette souveraine il y a une décennie. A l’époque, des jugements moraux faisaient florès : si la Grèce ou l’Italie faisaient face à de grandes difficultés, c’était de leur faute, du fait de problèmes de gouvernance interne. Et qui a envie d’aider celui qui va mal du fait de ses propres défauts ? Ici, point de responsabilité nationale à pointer du doigt pour expliquer pourquoi les pays du Sud souffrent davantage. L’empathie se manifeste plus aisément quand le faible est victime d’une difficulté additionnelle dans laquelle sa responsabilité n’est nullement engagée.

Toutefois, il y a aussi à voir que la Covid-19, par ses effets sectoriels différenciés, a accentué l’hétérogénéité entre pays de l’Union européenne. Ainsi, malgré l’activisme budgétaire de l’Allemagne, avec un effort qui est de l’ordre de 4 fois plus que lors de la Grande Crise Financière, le niveau de l’endettement public, en pourcentage du PIB, va y augmenter nettement moins qu’en Italie ou qu’en France, pour se limiter au trio des économies les plus importantes de la zone. Les fortes différences sectorielles entre pays vont aussi jouer. Qu’il s’agisse de secteurs ayant eu à particulièrement pâtir, comme le tourisme évoqué ci-dessus, ou, au contraire de secteurs s’en sortant bien de la crise de la Covid, tels la technologie ou la pharmacie, leurs poids respectifs sont loin d’être homogènes entre pays de la zone euro, et ce sont les pays faibles qui ont une surreprésentation des secteurs affaiblis par la crise.

Il y a un autre risque pour le projet européen en lien avec la Covid, à savoir une fois encore servir de bouc émissaire pour canaliser le mécontentement populaire. Ce n’est évidemment pas que « Bruxelles » soit responsable de la Covid … mais « Bruxelles » pourrait se voir reprocher le, il est vrai, pas bon bulletin intermédiaire des pays européens face à la gestion de la Covid. En dépit d’un système de santé se voulant exemplaire, la Covid y aura conduit à un coût élevé, en termes de santé, pour un coût élevé en termes économiques. Il est évidemment trop tôt pour dire quel sera le bulletin final, et, quel qu’il sera, il ne relèvera pas au premier chef de la responsabilité des instances européennes. Il faut toutefois craindre que ceci nuise à l’estime collective pour l’Europe.

Pourquoi écrire ce qui précède dans le cadre d’une publication d’une société de gestion ? Pour la raison suivante. Les marchés semblent certains que le risque souverain de la Grèce ou de l’Italie ne peut que diminuer davantage. Notre position à nous, qui avons été longtemps largement investis en dette souveraine italienne, espagnole et portugaise, est qu’un retour de tensions au sein de l’Union monétaire ne peut être exclu. Cela pourrait venir d’un retour en grâce d’un discours monétaire et budgétaire plus orthodoxe dans l’un ou l’autre pays du Nord de l’Europe ou au sein de la Banque centrale européenne. Réduire le poids des obligations souveraines du Sud de l’Europe alors que leurs « spreads » ont fortement diminué nous semble dès lors une sage précaution de gestion.

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Etienne de Callataÿ – etienne.decallatay@orcadia.eu
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